
Ce lieu était jadis la prestigieuse guilde des Amazones Libres d'Elwen, tenue par la Tha'Ima Nath, secondée par ses Tha'chiyas. Mais depuis leur départ pour la source de la Sirnië, où elles ont fondé un village bien à elles, Léonie est restée seule sur place pour s'occuper de tout. Elle n'y était pas obligée. Mais elle ne voulait pas abandonner la Maison où elle avait eu l'impression de renaître à la vie.
Elle a fait ce qu'elle a pu. Elle a tenté d'entretenir elle-même la volière, l'écurie, le jardin médicinal. Elle a travaillé comme une brute pour payer les artisans quand le bâtiment montrait des signes de fatigue. Malheureusement, depuis quelques années, elle peine à trouver des engagements, car elle est jugée trop vieilles par la plupart des compagnies de mercenaires. Oh, bien sûr, elle se débrouille, mais les petits boulots ne paient pas autant, et de loin. Aussi la Maison tombe-t-elle un peu en décrépitude.
En arrivant devant le bâtiment, on devine tout de suite qu'il a connu de meilleurs jours. Mais ce n'est que la façade, et Léonie ne s'est jamais soucié des apparences. Tant que les murs ne s'effondrent pas et que le toit ne fuit pas, elle considère que personne n'a à se plaindre. Et puis, c'est derrière que tout se joue, qu'on trouve les choses importantes. Si l'on traverse la Maison, on arrive dans un terrain de bonne taille, surtout si l'on songe qu'on est au cœur de la Cité. Léonie ne compte plus les fois où il lui a fallu lutter contre les spéculateurs qui voulaient racheter le terrain. Mais elle a tenu bon, persuadée en son for intérieur que des lendemains plus heureux allaient se profiler à l'horizon.
Derrière, donc, entourant le terrain, qui inclut le jardin et les lieux d'entrainement, une grande volière accueille encore quelques petits rapaces de poings. Les grands ne sont plus là, et Léonie ne saurait de toute façon pas s'en occuper. L'écurie n'héberge plus que deux vieux canassons cacochymes, plus, parfois, un hongre ou une jument de passage. Les stalles sont devenues rares, et c'est ainsi que la vieille amazone parvient encore tant bien que mal à joindre les deux bouts. En dressant des petits rapaces pour les dames de la haute, aussi.
L'un dans l'autre, c'est un lieu plutôt confortable en dépit des apparences.
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